Je vois un psy, depuis mon accident. Quelle connerie. Comme si le cerveau humain pouvait se soigner. Que je vous dise, ces gens sont des escrocs: si je vais mal ce n'est pas parce que je manque de vitamine C ou de gens à qui me confier, c'est parce que j'ai une vie de merde. Je suis en fauteuil roulant depuis trois ans maintenant et j'ai voulu mourir plus de fois que je ne sais les compter. Alors voilà, on ne peut pas me soigner. Je n'ai pas besoin d'un psy, j'ai besoin d'une machine à remonter le temps; j'ai besoin d'un connard de flic pour arrêter le type qui allait griller un feu rouge et foncer dans ma moto; j'ai besoin d'un chirurgien magicien sur les bords qui me grefferait deux trois nerfs et quelques goûtes de moelle épinière pour que je retrouve l'usage du bas de mon corps. Mon psy es supposé m'aider à ne plus vouloir tout ça. S'il savait... C'est tout ce que je veux, pour l'instant. Si je ne veux plus rien, je mourrai juste une peu plus vite. La première fois que j'ai vu ce type, il m'a demandé de lui raconter qui j'étais. Qu'est-ce que vous dites, dans ces cas-là? étrangement coopératif, j'ai fait comme tout le monde: j'ai commencé à lui raconter que mon père, Allan Bradford, avait épousé ma mère, Sophie, que j'étais né quelques années plus tard à Los Angeles, ville où ils travaillaient tous les deux en tant que garagiste et journaliste d'un quotidien local respectivement. J'ai continué en disant que j'avais eu une petite sœur, que mon père m'avait transmis l'amour des moteurs, que j'avais par la suite développé une véritable passion pour les motos, que j'avais toujours été un petit garçon gentil mais farceur et qui avait toujours besoin de courir de partout. C'est là que le psy m'a coupé. Il m'a sorti une petite phrase bien cliché, le genre qui m'a fait rouler des yeux en soupirant malgré le fait que, au fond, je savais que c'était relativement vrai. Il m'a dit quelque chose du genre "ne croyez-vous pas que la vie est faite d'étapes plus que de faits? En fait, ce que vous êtes, c'est la manière dont vous avez changé. Racontez-moi ces étapes qui vous ont changé". Pas beaucoup d'épisodes. Mais ce qui est marrant, c'est que j'ai tout de suite su de quoi lui parler.
» Chapitre 1: celui qui tombait amoureux« On a beau dire, les Harley, il n'y a que ça de vrai. » 2008. Hop. Il ne m'en fallut pas plus pour me stopper dans ma marche rapide vers le stand de rafraîchissements. C'était à une convention de moto, il y a cinq ans maintenant. En entendant une phrase avec laquelle je ne pouvais qu'adhérer, je me retournai vers la voix féminine qui l'avait prononcée. Vous savez, on ne pense pas forcément trouver l'amour de sa vie dans le coin: en général, dans ce genre de conventions, on trouve un cliché pour chaque sexe. On a tout de suite en tête l'image de l'homme étrangement barbu mais chauve, disposant d'un bouc de quelques jours d'un blanc sale, tout de cuir vêtu avec des clous dépassant de ses bottes à chaînes et d'un bracelet épais qui s'accorde avec un Marcel moulant son ventre rond des années de bières ingurgitées. Oh, et les tatouages. La femme motarde, c'est à peu près la même chose mais sans la barbe, avec cette voix roque et trop aiguë à la fois, le genre de définition parfaite de l'opposé de la grâce. D'ailleurs il est rare que ces femmes aiment les hommes, mais je parle d'un point de vue purement statistique, je ne suis pas du genre à nourrir les stéréotypes. Au milieu il y a toujours quelques amateurs, les pères de familles qui viennent en costard et qui utilisent des mots qui n'entrent pas dans le vocabulaire des autres -et inversement. Et puis il y avait Willow. C'était son nom, Willow. Je l'ai su en m'arrêtant à côté d'elle.
« Une connaisseuse, hm? Je n'aurais pas dit mieux! » Vous a-t-on déjà parlé du coup de foudre? Non plus exactement, l'avez-vous déjà expérimenté? Quand elle posa ses grands yeux de chat sur moi, j'eus l'impression de disparaître et d'enfin exister en même temps. J'avais peur de faire une connerie, l'impression de grimacer alors que j'étais normal, le sentiment de ne pas être assez bien et en même temps, c'était comme si elle était la réponse à tout. C'était là, c'était elle.
« Tewis, enchanté. » « Willow. » Je vous passe les détails, ce n'est pas bien intéressant -et c'est privé, ce sont
mes souvenirs. En résumé, après maintes hésitations, j'ai pu rassembler la force nécessaire à l'inviter. Nous avons par la suite suivi le cours normal d'une relation amoureuse: ça a bien marché, et dès le début j'ai su le dire, elle était la femme de ma vie. Tout était simple, elle rendait tout agréable, riait souvent, me permettait de me moquer de mes peurs ou mes emmerdes. En fait, on était les meilleurs amis du monde, même si parfois notre passion nous menait à des disputes fantastiques. Peu importait, le lendemain on était de nouveau en train de manger des pommes d'amour en se tenant la main dans les rues de Los Angeles.
» Chapitre 2: celui qui devenait papaSon petit poing se serra autour de mon doigt dans une force nouvelle qu'elle-même ne devait pas mesurer. Brody est né le 5 août 2010 à 3h17 à Los Angeles. À l'instant même où je l'ai vu ouvrir ses si petits yeux pour la première fois, j'ai juré que je donnerais ma vie pour son sourire. Je n'avais jamais vraiment réfléchi aux enfants, à l'idée d'en avoir, je veux dire. Je ne les détestais pas vraiment, je m'entendais même plutôt bien avec mes petits cousins, mais je ne m'étais bizarrement pas dit qu'un jour j'en aurais à moi, qu'un jour je serais père. Willow m'avait fait le plus beau des cadeaux, nous avions fabriqué un petit être de notre amour. Nous étions mariés depuis un an et Brody venait agrandir notre petite famille, pour notre plus grand bonheur. Je pensais que rien ne pourrait nous arriver, que notre bien-être était maintenant une évidence à laquelle on ne pouvait déroger parce qu'il était là. Il matérialisait le fait qu'on serait heureux pour encore un infini ou deux. C'était nous, il n'y avait rien d'autre à comprendre. On s'unissait, on s'aimait, on avait un magnifique petit garçon. Tout était évident, et même quand elle faisait la gueule elle était craquante. J'étais prof de sport, mon métier me plaisait, ma famille me comblait de bonheur. Notre routine était la plus belle qui soit.
« Regarde, regarde! Il sourit! » Elle eut un rire moqueur.
« Tewis, c'est un nouveau-né, il ne fait même pas exprès. » Ce n'était pas grave, il était adorable. Willow, elle, elle était fatiguée. Normal, elle venait
juste d'accoucher. Je relevai la tête vers elle, déchiré de ne pas pouvoir voir Brody et elle à la fois: il fallait choisir qui regarder puisqu'il était dans mes bras et qu'elle était sur le lit d'hôpital. Première et dernière fois de ma vie où j'aurais voulu être atteint d'un strabisme prononcé.
« Quoi? Pourquoi tu me regardes comme ça? » Ses yeux se plissèrent, son nez se fronça. Elle faisait ça quand elle était gênée ou quand elle mangeait quelque chose de pas bon, quand elle faisait une blague un peu pourrie ou qu'elle entendait une plaisanterie salace.
« Tu es belle. » Elle ne me croyait pas, juste parce que ses traits étaient marqués par la fatigue d'un accouchement un peu difficile et en tout cas très éprouvant. Elle ne voyait pas tout ce que j'y voyais: elle était la plus belle femme du monde.
» Chapitre 3: celui qui avait un accidentLes meilleures choses ont une fin, n'est-ce pas? C'est ce qui fait du bonheur une chose si précieuse: il est tellement rare. Vous me direz, je n'ai pas à me plaindre, j'ai eu le droit de croquer dedans pendant de nombreuses années, de manière plus intense encore pendant un an. Alors, de quel droit je me dis malchanceux? Il paraît qu'il y en a qui traversent la vie sans jamais l'entrevoir. Moi, j'ai payé mon bonheur d'un an au prix d'une vie de souffrance. Chic, hein? Je ne sais pas si ça valait le coup, finalement. Septembre 2011. Brody avait un an et un mois, à peu près, et je devais passer le chercher à la crèche. Il fallait encore que je passe prendre la voiture à la maison, parce que je n'aimais pas aller le chercher à moto; je savais bien que le moindre pépin pouvait être grave sur un engin si peu protégé, et si je faisais totalement confiance à ma conduite, je refusais de faire prendre un quelconque risque au petit prince Bradford. Et puis de toute façon, il avait une trop petite tête pour avoir un casque. Bref, il suffisait que j'aille du lycée à la maison, que je prenne la voiture et que j'aille de la maison à la crèche. ça ne me faisait faire un détour que d'un kilomètre à tout casser, alors il n'y avait aucun problème. Aucun problème. Un type en voiture un peu trop pressé; un feu rouge grillé; ma moto trop peu protégée; mon vol plané.
« Tewis c'est le cinquième message que je te laisse, ok, rappelle-moi. Je me fous que tu aies totalement oublié ton fils, que tu n'aies pas de batterie, que tu sois allé boire un verre avec des potes... avec une fille, même, je m'en tape, là je veux juste que tu m'appelles pour me dire que tu vas bien. Je t'arracherai la tête plus tard, j'ai juste besoin de savoir que tu vas bien... Je vais à la crèche chercher Brody, ils m'ont appelée pour me dire que tu n'étais pas venu. Bref. Bouge-toi, rappelle. Je t'aime. » Evidemment, allongé sur un lit d'hospice à côté de machines qui criaient des bip assourdissants, entre quatre médecins qui me poussaient au travers des portes à battants, je ne pouvais pas répondre. Bloc opératoire, oxygène au travers d'un masque, pompiers qui expliquaient ce qu'il s'était passé sans que moi je ne puisse l'entendre. J'étais inconscient, je ne savais pas ce qui allait se passait. Je ne savais pas que je n'allais plus jamais marcher.
J'ouvris les yeux quelques jours plus tard. Willow était là, avec Brody dans les bras. Lui il criait "papa", elle elle affichait un sourire fade derrière des larmes. Je voulus me lever mais n'y parvint pas. C'est là qu'elle éclata en sanglots, que Brody fit de même parce qu'il faut tout faire comme maman et que les médecins vinrent m'expliquer que j'étais devenu paraplégique. L'un d'eux eut le culot de me dire que j'avais la chance ne pas être tétraplégique, qu'il s'en était fallu de peu, que j'allais devoir arrêter mon métier mais qu'avec un fauteuil roulant j'aurais une vie presque normale. Adieu l'escalade, le surf, mon métier et les parties de foot avec mon gamin. Adieu les escaliers, l'autonomie et la liberté. Mais à part ça, ouais, j'avais de la chance.
» Chapitre 4: celui qui était exécrable et déménageait« Tewis tu pourrais m'aider, au lieu de te goinfrer devant la télé, merde! » Depuis mon accident, je ne faisais plus rien. Ce n'était pas bien compliqué, je n'avais rien envie de faire: je me faisais des marathons sans fin de séries qui me déprimaient plus qu'autre chose, je comptais les centimètres qui poussaient sous mes cernes, je mangeais sans faim, sans gourmandise, sans appétit. Chaque jour était plus gris que le précédent, chaque jour je traînais ce qui me restais de guêtres de mon lit jusqu'à mon canapé, veillant à ne pas croiser le regard de ma femme.
« T'aider? Tu te fous de ma gueule? ça te fait rire, Willow? Je peux t'aider comment, au juste? Passer le balais? oh, c'est vrai, je ne peux pas. Faire la vaisselle? Ah, merde, ça non plus c'est pas possible... » Elle leva les yeux au ciel face à ce ton moqueur et acerbe que j'avais jusque là utilisé pour placer des blagues qui la faisaient toujours rire. Aujourd'hui elle avait juste envie de pleurer.
« Tu me fais chier Tewis, c'est pas de ma faute si tu vas mal! On n'a pas le choix, tu vois, t'as pas le choix, c'est comme ça: seulement je suis là, je veux juste t'aider et tu m'envoies balader. On fait comment, hein? » Je serrai la mâchoire, incapable de la regarder dans les yeux, de voir la déception et la lassitude briller dans ses pupilles alors que je m'accrochais au souvenir de ses sourires.
« Cette fille... Lou. Elle t'a sauvé la vie, tu as eu de la chance de... » « Ouais ben j'aurais préféré qu'elle me laisse crever! » ça venait du fin fond de mes tripes, d'un cœur qui hurlait alors que je n'arrivais pas à le laisser parler. Un cri, un hurlement qui brisa le froid de la pièces, qui jeta une glaciation sur notre conversation, qui réveilla Brody. Ses pleurs seuls transperçaient le silence palpable entre Willow et moi. Elle me regarda, dégoûtée, rancunière, brisée.
« T'as pas le droit de dire ça. Tu es égoïste. » « égoïste? égoïste, Willow?! Putain, je ne pourrai plus jamais marcher, j'ai une vie de merde et c'est moi qui suis égoïste?! » « Non, arrête, arrête! Tu as un fils qui t'aime et qui a besoin de toi, une femme qui reste comme une abrutie à essayer de te rendre heureux alors je me fous de ce qu'il peut t'arriver, tu n'as pas le droit de souhaiter mourir alors qu'on est là à attendre que tu ailles mieux. » C'était elle qui était égoïste. Je devais soit disant continuer de vivre, juste pour elle, juste parce qu'elle me le demandait. Je devais rester dans mon malheur et je n'avais seulement pas le droit d'avoir le sentiment que j'aurais mieux fait de mourir sous prétexte que j'avais construit ma vie avec elle. Au même titre que j'aurais dû me faire à l'absence de mes jambes, elle aurait dû se faire à mon absence tout court. Si j'avais eu les tripes de me plomber...
« Si tu es trop lâche pour vivre pour moi, fais-le au moins pour ton fils. Je serais assez stupide pour apprendre à survivre sans toi, mais lui il est trop jeune pour ne pas avoir de père. » Dans la perspective de prendre un nouveau départ, nous décidâmes de déménager. Un peu loin mais pas trop; on resterait sur la côte ouest, on irait à Laguna Beach, parce que le nom faisait rêver, parce qu'on avait besoin de rêve. On déménagerait dans une toute nouvelle résidence, parce qu'on avait besoin de renouveau. Seulement par définition, les nouveaux départs, on ne peut pas vous forcer à les prendre. Je savais que je ferais des efforts... ça allait simplement être compliqué et modéré.
» Chapitre 5: celui qui en voulait à sa voisine« Oh putain c'est une blague. » Quelle était la probabilité pour que je déménage juste dans la résidence où la pompier qui m'avait "sauvé" habitait? être le voisin de cette connasse? Non merci. Non mais sincèrement, quel genre de pompier sauve tellement mal les citoyens qu'ils sortent éclopés et paraplégiques à vie? Aussi depuis les cartons que je ne pouvais pas soulever, je fis demi-tour tant bien que mal pour rouler vers elle.
« Tiens, mademoiselle Casey. Je vous dirais bien que je suis ravi de vous revoir mais, hm, en fait ce n'est pas vraiment le cas. » Elle releva les yeux de ses propres affaires, apparemment pas non plus ravie de me voir. Je l'avais vu dès le début, elle culpabilisait. Je la détestais et elle l'avait bien senti, elle était du genre sensible alors il était facile pour moi d'appuyer là où ça faisait mal. La pauvre chose souffrait de sa culpabilité... oui c'est vrai, c'est tellement dur d'assumer ses erreurs alors qu'elle avait gâché ma vie.
« Alors comme ça on va être voisins? Karma is a bitch, c'est ce qu'on dit dans le coin. » Ce n'était pas compliqué, je n'arrivais pas à avoir un autre ton avec elle. J'étais acerbe, amer, le sorte de connard que j'étais devenu mais puissance 20.
« Vous... vous avez besoin d'aide? Pour vos cartons, je veux dire. » Regard froid.
« Ben oui, Einstein, je ne peux pas marcher et ma femme doit s'occuper de mon fils. C'est ce qui arrive quand on perd l'usage de ses jambes, je ne peux même plus aller faire mes courses seul alors oui, j'ai besoin d'aide. » À nouveau je tournai sur moi-même, retournant jusqu'à ma piaule du premier étage -parce que c'est plus simple pour le fauteuil, le premier étage. Elle culpabilisait? ça me faisait une belle jambe -oh, l'ironie. Après tout, autant en profiter.
« Ceux-là vont dans la cuisine. »» Chapitre 6: celui qui était deux fois un demi papa« Papa... tu me lis une histoire? » emprisonné dans ses draps à l'effigie de Mario Bros, Brody me regarda de ses petits yeux d'enfant, du haut de ses 4 ans.
« D'accord, mais pas longtemps bonhomme. Il est tard. » Brody, c'est la seule personne avec qui je suis encore un semblant de ce que j'étais avant. Je lui fais encore des blagues, je suis encore relativement souriant avec lui. J'essaie d'être plus agréable avec Willow, mais c'est comme si je faisais des efforts monstrueux pour me rappeler que j'aimais ma femme, alors que pour mon fils c'est plus naturel, c'est plus vrai: je ne me pose pas de question avec lui, même si j'ai toujours au fond de moi cette petite douleur qui me crie de rester à distance de lui parce que je ne suis pas un bon père.
« Maman elle dit que tu m'aimes. C'est vrai? » Je relevai la tête du bouquin que je lui lisais, surpris de son interruption. C'est vrai, je ne le lui disais pas souvent.
« Euh... ben... » Il fallait que je lui réponde, et vite. Je ne savais pas bien comment lui expliquer ça, mais plus je patientais plus il allait penser que je le détestais.
« Oui c'est vrai. Bien sûr que c'est vrai. Je ne te le dis pas souvent, je suis désolé Brody. C'est... un peu difficile en ce moment, mais ce n'est pas de ta faute, au contraire. T'es mon petit rayon de soleil, promets-moi de ne jamais l'oublier. » Je fis mine de lui piquer son nez pour dédramatiser la situation, n'étant pas très doué pour les déclaration d'amour, surtout pas depuis mon accident. Il se mit à rire de bon cœur et un fin sourire osa étirer mes lèvres.
« Allez, dors, demain on jouera aux légos. » Mais pas au foot. Non, ça, jamais. Je ne pouvais pas.
En revenant dans le salon, je trouvai Willow sur le canapé, des traces de mascara sous ses yeux gonflés. Je fronçai les sourcils, ne sachant pas vraiment ce qu'il se passait. On se disputait un peu moins, je me la fermais un peu plus. Je croyais que ça allait mieux.
« C'est beau, ce que tu lui as dit. » Son admiration était presque regrettable parce que je voyais qu'elle aurait voulu que je lui dise la même chose. Avec elle je n'étais pas pareil. Elle, c'était le reste du monde; elle devait supporter mes crises, mon esprit lunatique, mes critiques et mes jérémiades. Ce n'était pas pareil. J'haussai une épaule sans la regarder, un peu coupable qu'elle ait entendu ce que je ne savais plus lui dire à elle -que je l'aimais.
« Je suis enceinte Tewis. » Mon sang ne fit qu'un tour, mon regard se plongea trop rapidement dans le sien alors que mes lèvres se séparaient l'une de l'autre. Nous n'étions plus que relativement proches, et s'il était concevable au point que je ne demande pas confirmation que je sois le père, il était également évident que cet enfant n'avait pas été conçu avec tant d'amour que ne l'avait été son frère.
« Je ne sais pas si je vais le garder. » « Tu vas avorter? » Il était vrai que ce n'était pas vraiment le bon moment... ça ne serait plus jamais le bon moment, puisqu'à cause d'un pompier incompétent je ne pouvais plus marcher. Willow ne répondit rien, fronça les sourcils en détournant le regard, reniflant légèrement. Elle n'en savait rien.
« Il faut que ça change Tewis. Je pourrai aimer cet enfant quoi qu'il arrive, mais je ne te laisserai pas être son père si tu n'es pas capable de te reprendre; de trouver un boulot; d'aimer ta vie; t'arrêter d'être un monstre avec tout le monde. » C'était débile, elle ne pouvait pas m'empêcher d'être père, la génétique ça ne se contrôle pas.
« C'est notre dernière chance. Je te l'ai déjà dit mais cette fois-ci je le ferai vraiment: si les choses ne changent pas, je demanderai le divorce. »